Une nuit au funérarium
Il est des idées que l’on regrette de ne pas avoir eu. Celle de Daryl Delight en fait partie. À la manière des « Contes de la crypte », Daryl nous livre cinq nouvelles en compagnie d’un légiste à l’humour noir, aussi acéré que son scalpel. Et, forcément, lorsque l’autopsie de ses cadavres se termine, on en redemande.

Dans ce recueil, nous rencontrons donc Jasper, le légiste virtuose du bistouri, qui dissèque la vie de ses macchabées. Cinq cadavres qui nous racontent leurs histoires en surfant sur nos peurs viscérales. Des histoires comme Bestioles indésirables, un classique qui tisse sa toile sur le thème de l’arachnophobie. Mais, Daryl va plus loin, jouant sur les peurs que relaient les internautes quant aux pontes de ces chers arachnides au sein de nos corps endormis.
Nous retrouvons d’ailleurs la perversion des réseaux sociaux avec Balance ton humoriste où, bien cachés derrière leurs écrans, les trolls déversent la haine de leur condition misérable pour lyncher sans sommation. Monté en épingle, un simple message prend des proportions très souvent incontrôlables par les savants du net. Mais, qu’importe la véracité, qu’importe la source quand on peut faire le buzz et augmenter ses abonnés.
Agoraphobe trouve ses racines chez les victimes justement. Victimes du net ou des mains d’un pervers comme dans cette nouvelle, ce sont elles les oubliées de ces agressions dont nous nous abreuvons sans cesse. Les procès des présumés innocents, devenus coupables, mettent les criminels en lumière sur les chaînes de télévisions, tandis que l’ombre enveloppe leurs victimes d’un voile opaque devenant généralement leur linceul.

Avec Billy et Sid, Daryl explore les conditions de notre société où les rapports de force entre employeurs et employés sont largement en déséquilibre. Sans avoir emprunté le chemin du patron forcément voyou, l’histoire de Billy va trouver son public auprès de celles et ceux qui sacrifient beaucoup pour un retour loin d’être celui qu’ils pouvaient espérer de leurs investissements.
Quant à la nouvelle Un pari risqué, elle viendra chatouiller les aficionados des jeux d’argent qui pourront bien s’identifier à Casey. Et, je ne doute pas que la roue de la fortune trouve réellement quelques adeptes sous une forme ou une autre.
Daryl Delight me fait penser aux débuts d’un écrivain américain du côté du Maine, entre Derry et Portland. Il m’avait déjà conquis avec La Famille Nilsen, le préquel de la série Amalia que je vais bientôt passer sous ma plume ; force est de constater qu’il récidive dans le plaisir de le lire avec Une nuit au funérarium.
La ville de Gresly Hill a donc des soucis à se faire, contrairement à Jasper qui lui ne manquera pas de travail. Pour ma part, je réserve d’ores et déjà une prochaine nuit d’autopsies commentées en sa compagnie.